05/05/2025 reseauinternational.net  6min #276943

 Israël reprend son agression contre Gaza et rompt le cessez-le-feu

Face à la tuerie de masse : madkhalisme (quiétisme) et passivité «inexplicable» des Français musulmans

par Mendelssohn Moses

Par l'intermédiaire de connaissances, Mendelssohn Moses a été destinataire d'un texte dont nous republions ci-dessous des extraits. Le texte est l'œuvre d'un Français musulman désireux de secouer la conscience de ses coreligionnaires. Nous vous en recommandons vivement la lecture.

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1. Comment expliquer le silence de certaines institutions religieuses musulmanes face à Gaza ?

Alors que des enfants meurent, que des familles sont décimées, que la faim et la peur sont devenues le quotidien d'un peuple enfermé sous les bombes, une question brûlante se pose : où sont nos voix religieuses ? Pourquoi ce silence, là où la parole devrait être un cri, un refuge, un acte de foi ?

Ce silence s'explique, malheureusement, par plusieurs raisons.

1 - D'abord, des pressions politiques : dans certains pays, les mosquées sont sous contrôle étatique. Le moindre mot peut coûter cher. Par peur de représailles, de fermetures ou de surveillance, beaucoup préfèrent se taire.

2 - D'autres invoquent la neutralité religieuse : «La mosquée n'est pas un lieu de politique», disent-ils. Mais peut-on vraiment séparer foi et justice ? Peut-on prier en paix pendant que nos frères et sœurs meurent en silence ? Le Prophète sws lui-même n'a-t-il pas pris la défense des opprimés, des sans-voix, des injustement attaqués ?

3 - Il y a aussi la crainte d'être mal compris, stigmatisés, amalgamés à des positions radicales. Alors, pour ne pas faire de vagues, certains choisissent le confort de l'indifférence.

4 - Et puis, il y a le conformisme, ou peut-être une forme de lassitude : on ne veut pas déranger, on ne veut pas perdre les fidèles. Mais à quoi sert une institution religieuse si elle ne sait pas se lever pour dire «non» à l'injustice ?

5 - Il ne faut pas oublier non plus le suivisme généralisé d'une partie de la masse, qui relaie et consomme les discours d'imams ou de choyoukh madkhalites largement exposés sur les réseaux et sur le devant de la scène religieuse.

Ce phénomène repose souvent sur un effet de mimétisme, une recherche de repères «orthodoxes» ou de discours rassurants, mais sans réelle connaissance ni de l'idéologie madkhalite, ni de son origine, ni des positions problématiques qu'elle défend.

Beaucoup adoptent ces discours par ignorance, sans savoir qu'ils s'inscrivent dans un courant qui s'oppose frontalement à la justice militante, à la défense des opprimés, et à toute critique des régimes complices de l'oppression.

6 - Enfin, et c'est peut-être le plus grave, il y a la déconnexion morale. Une partie du discours religieux est devenue mécanique, éloignée des réalités humaines, déconnectée de la souffrance réelle.

Mais il n'est pas trop tard. L'histoire nous regarde. Et surtout, Dieu nous interrogera :

Qu'as-tu fait quand ton frère appelait à l'aide ?

Précision : Les madkhalites (ou salafis quiétistes, du nom de Rabee al-Madkhali) sont un courant qui rejette toute forme de mobilisation politique et prône l'obéissance totale aux dirigeants, même lorsqu'ils sont injustes.

Ils rejettent toute action publique : manifestations, protestations, boycotts, mais aussi toute implication dans les affaires politiques ou sociales, au nom de l'ordre et de la stabilité.

Ils vont jusqu'à nier le principe fondamental de l'islam : al-amr bil-maʿrūf wa-n-nahy ʿani-l-munkar (ordonner le bien et interdire le mal).

«Sortir contre les dirigeants est interdit, même s'ils sont injustes».

(Rabee al-Madkhali - Sharḥ Uṣūl al-Sunnah)

Ils placent au-dessus de tout l'étude, la purification de l'aqida et l'obéissance aux autorités, estimant que la réforme ne peut venir que de la foi individuelle.

«La réforme vient du retour à la croyance, non des rues».

(Muḥammad Bazmūl - Manhaj al-salaf fī iṣlāḥ al-ummah)

Résultat : un silence assourdissant face aux crimes, une acceptation sans discernement, et une hostilité injustifiée envers ceux qui agissent ou appellent à se mobiliser pour Gaza.

Une posture qui contredit l'éthique islamique de la justice, du courage et de la solidarité

2. Comment expliquer l'inaction ou la déconnexion des immigrés des premières générations et de leurs enfants nés en France face à Gaza ?

Face à la tragédie qui frappe Gaza, beaucoup s'interrogent : pourquoi tant d'inaction, de silence ou d'indifférence, même parmi ceux dont les racines sont liées à la douleur de l'exil, à la mémoire de la colonisation, à l'expérience de la marginalisation ?

Les anciens, souvent épuisés par une vie de lutte silencieuse, ont parfois été habitués à garder la tête basse. Leur combat, c'était celui du travail, du toit, du pain pour leurs enfants. Ils ont grandi dans la peur des autorités, dans la prudence. Par réflexe de survie, beaucoup ont appris à ne pas faire de bruit. Leur silence n'est pas toujours un désintérêt ; parfois, c'est un traumatisme qui ne sait pas crier.

Quant à leurs enfants, nés ici, grandis entre deux mondes, ils vivent une autre fracture. Ils ont hérité d'une identité complexe, tiraillée entre la France et les origines, entre l'injonction à «s'intégrer» et la pression de ne pas oublier. Beaucoup se sentent impuissants, dépossédés, parfois même désengagés. Le récit dominant les a souvent convaincus que se mobiliser pour Gaza, c'est prendre un risque, être jugé, étiqueté. Alors ils se replient, se taisent ou détournent le regard.

À cela s'ajoute l'effet du confort. Certains, aujourd'hui installés, se sont petit à petit coupés de la douleur des peuples opprimés. Le quotidien a pris le dessus sur l'indignation. Le confort a anesthésié la conscience. On pleure devant des séries, mais on ne verse plus une larme pour un enfant palestinien.

Et au fond, cette immobilité trouve aussi ses racines dans une culture du retrait, héritée des sociétés d'origine, où manifester ou contester publiquement signifiait souvent danger ou répression. Beaucoup ont grandi avec l'idée que «se taire, c'est survivre». Ce réflexe, transmis inconsciemment, s'est doublé ici d'une crainte de «faire des vagues», de se mêler à des inconnus, de s'exposer. Le fatalisme, l'idée que «cela ne sert à rien» ou que «Dieu seul agit», a renforcé cet immobilisme, vidé de l'esprit actif du «ordonner le bien et interdire le mal» (amr bil maʿrûf wa nahy ʿan al-munkar) pourtant essentiel en islam.

Le manque d'habitude de la mobilisation collective, l'absence d'éducation militante, la peur sociale, et parfois la timidité culturelle, ont enfermé beaucoup dans un repli silencieux. Ce n'est pas de l'indifférence de cœur, c'est le poids de l'histoire, de la peur et de l'habitude.

Et puis, il y a la fatigue de l'échec collectif. Trop de mobilisations qui n'aboutissent pas. Trop de désillusions. Alors on se dit : «À quoi bon ?»

Mais ce raisonnement est dangereux. Car ne rien faire, c'est déjà choisir un camp. Celui du silence face au massacre. Celui du confort face à la souffrance.

Il est temps de se réveiller.

Pas pour hurler, mais pour agir avec sagesse, lucidité et détermination.

Par la parole, par l'éducation, par le boycott, par le don, par l'engagement associatif, politique, spirituel, humain.

Gaza n'est pas loin : c'est le miroir de notre conscience.

 Mendelssohn Moses

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